
Chaque mois, nous invitons un artiste local pour réaliser la couverture du magazine et vous présenter son univers. Pour ce numéro d’avril 2021 c’est Julien Schleiffer qui nous donne à voir son imaginaire; nous sommes allés à sa rencontre pour en apprendre plus sur lui et son travail.
Retrouvez la couverture du magazine d’avril et les précédentes dans leurs version affiches sur notre boutique en ligne
Julien Schleiffer est artiste, illustrateur et motion designer indépendant. Originaire du Sénégal, il a vécu en Guinée, au Bénin et au Tchad avant d’arriver à Guebwiller à l’âge de 11 ans. Il déménage ensuite à Strasbourg pour ses études, commençant par une mise à niveau en Arts Appliqués à LISAA avant de rejoindre la fac en Arts Plastiques.
Le rythme de la faculté a été propice au développement de l’univers de Julien. Cet espace de liberté lui a permis d’avancer, de développer ses projets en parallèle de ses études. Ces années ont été un véritable bac à sable, très formateur et riche en rencontres. Selon lui, c’est peut-être la dynamique de la fac, cette autonomie et cette manière de travailler qui font qu’aujourd’hui il exerce comme indépendant.
Après son master, Julien se voit proposer la charge d’enseigner les théories et techniques de création d’images numériques à l’Université de Strasbourg. Cette opportunité lui permet de se mettre dans une forme de veille constante. A ce moment-là, pas de Youtube ni Instagram, Julien se documente sur ce qui se fait, il cherche à offrir un cours plein de fraîcheur aux étudiants.
Cet emploi à la faculté lui permet de développer son entreprise sans pression immédiate de réussite. Il met l’accent sur sa recherche graphique et commence ses premiers projets en tant qu’indépendant. A la recherche d’une nouvelle paire de lunettes, son opticien devient son premier client.
D’un projet à l’autre, Julien avance dans sa pratique et développe sa patte. Aujourd’hui, il fait du storyboard, du motion design, des films animés et du concept art. Concrètement, il imagine et crée des images narratives pour préparer des tournages ou les intégrer à des projets d’animation.
« D’un projet à l’autre, tu te développes, tu vois ce que tu veux faire »
Dernièrement il a pu travailler sur des projets d’envergures, comme la création d’images pour un projet de série télé pour la BBC. Il a également imaginé des personnages pour la campagne internationale d’une marque de bière, notamment diffusée lors du Superbowl.
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Lorsqu’on le questionne sur un projet rêvé, c’est d’abord celui avec l’opticien qui ressort. Au-delà de la nostalgie du premier projet réalisé, pour Julien c’est surtout la confiance et la liberté qu’on lui a accordé qui font de cette commande un projet marquant. Pour lui, le travail c’est aussi les rencontres. Il se questionne à propos de grands artistes reconnus, avaient-ils conscience à l’époque de la trace qu’ils allaient laisser ? Selon lui, certaines personnes de son entourage artistique seront de ceux-là. Des personnes dont il affectionne le travail et avec qui il aimerait collaborer, comme par exemple le réalisateur Alberto Mielgo ou l’artiste Vaughan Ling. Il nous parle également d’amis dont il estime le travail, des personnes qui mériteraient d’être plus visibles. Julien aimerait se lancer dans des projets avec eux, des courts métrages par exemple.
Sa pratique, au-delà de ses projets professionnels pour des clients, est diversiforme et prolifique. Images fixes ou images animées, peinture numérique ou dessin traditionnel font partie prenante de ses travaux.
Julien pratique aussi le croquis in situ et fait notamment partie de la communauté Urban Sketchers. L’idée est de prendre des notes de la ville en dessin à travers son regard. Lors de notre rencontre, on découvre avec enthousiasme son carnet de croquis, véritable témoin de scènes de vies strasbourgeoises dans lesquelles se mêlent paysages urbains et passants crayonnés. Il pratique également le dessin d’après modèle vivant, en réel avant la crise sanitaire, en virtuel depuis maintenant une année.
Il travaille aussi à partir de photographies, d’images figées mais réelles. Ces photographies peuvent être prises par lui-même, ou des clichés marquants dénichés sur internet. Julien nous emmène aussi en voyage virtuel avec le groupe Virtual Plein Air. Il s’agit là de travailler à partir de vues issues de Mapcrunch ou Google Street View, de mettre en peinture des paysages réels sans y être véritablement, mais visualisés à travers l’écran de l’ordinateur.
« Avec Mapcrunch, d’une certaine manière j’étais un peu préparé au covid et au confinement »
Ces études vont au-delà de la simple copie, dans chacune d’elle Julien y ajoute sa patte, sa couleur, il travaille les lumières… Dans sa pratique personnelle de l’illustration, il cherche à pousser plus loin son travail, aller au-delà du but de l’image purement visuelle pour se diriger vers la narration. Ces créations-là prennent plus de temps de gestation et amènent à réfléchir à ce qui se cache derrière les choses présentes au premier abord. Il travaille à plusieurs degrés et échelles, que ce soit dans le titre ou dans les arrières plans. Un titre peut donner un sens, un élément perdu dans l’image peut en révéler un autre, la lecture peut se faire à plusieurs niveaux.
Depuis 3 ans il participe au challenge #maysketchaday durant lequel chaque jour du mois de mai il partage un dessin. A travers ce challenge, Julien crée une fresque évolutive. Le point de départ est sa première image, chaque jour ensuite il va réutiliser une partie, une couleur, un morceau de l’image précédente pour créer la prochaine. Chaque mois de mai on découvre ainsi une mosaïque ascendante qui témoigne de ce qui se trame dans la tête de Julien.
« Je n’ai pas vraiment de but précis. Je laisse mon cerveau avancer tout seul, puis en fonction de la matière et des couleurs, il va naître des choses. »
Entre le hasard d’une découverte, une scène de vie, un fait divers, les sujets d’inspirations sont variés. Souvent ils ne sont pas perceptibles au premier abord ou peuvent être interprétés de différentes façons, parfois l’image est juste présentée pour ce qu’elle est. Julien confie toutefois qu’il est lui-même en recherche, il aime questionner les certitudes et est sensible aux personnes qui sont à la marge. Son enfance entre deux continents a affiné son regard sur les questions du rapport au groupe, de l’originalité, du décalage. Ce sont des sujets qui le touchent particulièrement et qu’il aime mettre en perspective dans ses images.
Sans chercher à les invoquer, le travail de Julien est infusé de nombreuses références à la peinture moderne et contemporaine. En perpétuelle recherche, il conjugue un travail de la forme proche de Matisse et l’énergie du geste de Basquiat. Mêlant les accents cubistes dans son travail du corps à des couleurs expressives plus proches du courant fauviste ou des nabis et sans doute bien d’autres encore.
Julien a participé à plusieurs expositions collectives, aujourd’hui on retrouve son travail principalement sur Internet. Actuellement il prépare l’ouverture de sa boutique en ligne et est ouvert à la commande !
Ton film préféré ? Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry
Ton lieu favori pour profiter du printemps en Alsace ? Le Grand Ballon
Le lieu dont tu attends la réouverture avec impatience ? Les cinémas
Ta chanson préférée ? I Belong de Mathieu Boogaerts
Ton livre favori ? Niourk de Stefan Wul
https://www.youpiemonday.com/
https://www.instagram.com/julienschleiffer/