
A l’écoute de “Téléphone Maison”, votre pouls battra peut-être la démesure, oscillant entre coup de sang et coup de mou, lame de fond et l’âme tout court. L’As Issa revient avec un opus à son image, infiniment intime, mais invariablement collectif. Une matière première récoltée entre Mulhouse, Strasbourg et Montréal et savamment distillée au fil des 10 morceaux. Un travail de longue haleine, la passion et l’envie de donner de la force pour seuls moteurs. Rencontre.
Tout simplement, comment en es-tu venu à la musique ?
La musique a toujours été une passion. Un moyen de s’évader. Un jour avec deux amis en rentrant du lycée on décide de monter un groupe. Versatile était né, tout simplement.
Parle-nous un peu du projet Téléphone Maison. Quel a été le déclencheur après cette période d’inactivité ?
Je n’ai jamais é té inactif! C’est juste que je me faisais rare, des morceaux s’écrivent mais ne sortent pas forcément, c’est le lot de tous les groupes ou artistes solo. Pondre un projet solo? Ca faisait longtemps que l’idée me trottait dans la tête. Puis de là, t’écris un texte, puis un second et le projet prend forme de lui-même.
Et pourquoi ce titre?
Téléphone maison, parce que comme ET je ne me sens pas vraiment à ma place dans ce monde, cette société qui cultive la différence et l’indifférence en même temps. « Chacun son camp, sa gueule, son pain, le reste je m’en balance ». Faut pas se mentir c’est comme ça, et ce n’est tout simplement pas ma conception des choses.
Venons-en au contenu : quel est le fil directeur du EP, la patte que tu as voulu y mettre ?
Je dirais simplement donner de la force aux gens, les inciter à réfléchir sur certains points qui me paraissent important. Faire kiffer les amateurs de textes bien sûr, les puristes, les mentalités qui me ressemblent, ou pas… Sans appel à la haine, sans facilité. Je mets beaucoup de temps pour écrire car je suis assez perfectionniste donc j’essaye de mettre du level sur chaque phase. Même si la plupart des gens écoutent les textes des rappeurs sans vraiment prêter attention aux images, aux jeux de mots ou à la complexité d’une belle tournure, j’essaye de donner le meilleur selon moi.
Malgré l’ère du tout digital, la multiplication des canaux de distribution, toi tu comptes vendre ton opus de main à main, ou presque. Une façon de rester fidèle à ta dé marche ?
Le main à main parce que j’aime ça, ce petit côté street me plait. Mon but n’est pas du tout de vivre de ma musique, simplement de la partager. Beaucoup de gens me disent « je suis sûr que si on te propose un contrat etc etc. ».. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que je ne veux pas de cette vie, être exposé , devoir me montrer, me vendre.. j’adhère pas au concept. Homme de l’ombre, je suis là j’fais mon truc, si tu kiffes t’écoutes sinon tant pis.
Tous les bénéfices récoltés seront reversé s à l’asssociation Un rêve un sourire. Par quoi a été motivé ce geste ?
Le projet par de là à la base, avec l’envie d’agir dans le bon sens. On passe notre temps à se plaindre, à trop parler sans passer à l’acte le plus souvent. Là il y a une finalité. Je suis conscient que je vendrai pas 100000, c’est un geste symbolique avant tout. Un rêve un sourire est une association venant en aide à des enfants malades. Les fonds récoltés servent à réaliser leur rêve, leur donner un peu le sourire. Ça changera pas le monde on est d’accord, mais ça peut que lui faire du bien.
Finalement tu gravites dans la musique en électron libre. La passion n’a pas pris une ride, sauf peut-être sur ton front. Qu’est ce qui te pousse ?
Sérieux t’as vu une ride? Je crois plutôt que c’est une balafre hahaha.. Ce qui me pousse? La passion, les fréros, les textes, les beats lourd, le message que tu poses dessus, la réflexion que tu peux faire naître dans la tête d’un type, mais aussi la dynamique que ça crée entre les hommes, on tend vers un même but, ensemble. C’est cette passion qui me pousse.
En se lançant dans un album « home made » avec tout ce qu’il y autour, est ce que tu ne passes pas constamment par tous les états, entre les impératifs du quotidien, l’excitation extrême, coups de mou ou envie de lâcher l’affaire ?
Le coup de mou est bien présent par moment mais lâcher l’affaire est impossible. Je suis le genre de mec qui se prend la tête seulement s’il y a une bonne raison, alors non je me pose pas de questions. Apres c’est vrai que c’est compliqué au quotidien, tu bosses 40h/semaine, la femme, tout le reste le temps passe tellement vite c’est hallucinant.
Et à l’inverse, n’est-ce pas libérateur de monter un projet quand finalement il se fait au feeling, sans deadline, date butoir, ou projection particulière ?
Ya toujours une deadline, sinon le projet n’aboutirait jamais. Mais c’est vrai que personne ne me met de pression à part les frérots bien sûr, mais c’est de la pression positive, des encouragements. Je suis obligé d’être discipliné, de m’auto motiver pour parvenir à atteindre mon objectif. Et j’avoue que parfois c’est tout sauf évident.
Le morceau Marcelo est un des titres marquants, l’’histoire de l’ascension d’un jeune boxeur. Est-ce que les é motions lié es au sport offrent d’autres perspectives d’ écriture, dans la façon de narrer les histoires par exemple ?
Tout d’abord je tiens à préciser que ce morceau est une totale fiction. Aprè s si cela m’offre d’autres perspectives d’écriture? C’est certain. Se mettre dans la peau du mec qui te conte une histoire t’amène beaucoup de liberté dans le texte ainsi que de la diversité et de la richesse à ma musique. Une autre façon de s’exprimer, pour le mieux.
Tu débutes le rap à l’adolescence, à un moment où on se construit en tant qu’homme, où on se forge. Avec 15 ans de plus au compteur, que te reste-t-il de ces années là ?
Tout! Sauf ma naïveté face au monde qui m’entoure.
Comme beaucoup d’autres rappeurs de la région, on sent chez toi une volonté de rester discret, de ne rien imposer. D’apporter une contribution évidemment personnelle mais collective dans la façon dont les gens vont le recevoir.
C’est tout à fait cela. Comme on l’évoquait avant, ma musique parlera à certains, à d’autres pas du tout et je dois dire que c’est parfait comme ça. Les rappeurs d’ici comme d’ailleurs le font par pur amour du rap et de l’écriture.
Est-ce que tu tends encore l’oreille au rap de la région, y’a-t-il des choses qui t’ont marqué récemment ?
Je garde surtout un oeil sur les miens. Zetla qui fait le taf comme il faut, et qui est en train de prendre une autre dimension. Dj Huppercut fidèle au poste, des mecs comme Sansblaz et Rab et, la Chronik ou Stratégie de paix qui tire aussi dans le bon sens par exemple, bref des gars motivés.
Tout commence à Mulhouse rue du Sauvage il y a une quinzaine d’années lorsque vous fondez le groupe Versatile avec Retorik et le défunt Parazitzii. Quels souvenirs gardes-tu des débuts ?
Quelle époque, la compét’ sur chaque 16 mesures. On était 10 dans un home studio, chacun attendant de poser son texte, on bossait la semaine pour se retrouver le weekend. L’insouciance et la spontanéité des 20 ans.
Tu as une minute hommage pour parler des gens qui ont gravité autour de l’Ep, dans sa conception. Pour le reste le morceau qui clôt l’album « Cassded », le résume très bien.
Oui dans ce morceau, je glisse deux trois dédicaces aux gens que j’ai pu côtoyer tout au long de ma vie. Un bon coup de nostalgie et un petit clin d’oeil en même temps. Je tiens à remercier les gens qui ont participé au projet, Reto R.I.K, Zetla, Kenny Kens, Stratégie de paix pour les feats, Stoak pour le design, Elodie Martial pour la photo, Matt pour le mix et Dj Da one aka ingé -papa! pour sa patience lors de l’enregistrement. Merci à tous pour votre contribution.
Le mot de la fin?
Peace
Sortie de l’EP de L’As Issa, « Téléphone Maison » le 23 juin 2014
Infos
Pour vous le procurer : www.facebook.com/las.issa.1
Le site de l’association bénéficiaire : www.unreveunsourire.fr
En écoute : www.soundcloud.com/68artprod
Coup de cœur :
Zetla : www.facebook.com/zetla.offishal
ITW : Mourad Mabrouki